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Coliques chez le nourrisson

Définition : Règle des 3, c’est-à-dire la survenue paroxystique de pleurs excessifs inexpliqués et d’irritabilité intense pendant plus de 3 heures par jour, plus de 3 jours par semaine depuis plus de 3 semaines.
Prévalence : 10 à 20% des nourrissons en bonne santé présentent des coliques.
Physiopathologie : Les coliques apparaissent à l’âge de deux semaines et disparaissent à 3 mois dans 60% des cas et à 4 mois dans 80 à 90% des cas. Le diagnostic de la colique infantile est souvent confirmé après la résolution des symptômes. Des causes gastro-intestinales, psychosociales et neuro-développementales ont été proposées, mais l’étiologie exacte demeure inconnue.
Signes et symptômes :
- Pleurs imprévisibles et spontanés
- Activité motrice accrue (rougeurs au visage, jambes pliées, poings serrés, position fœtale)
- Distension abdominale
- Flatulences
- Modification des habitudes de sommeil et d’alimentation
- Irritabilité
- Régurgitations
- Vomissements


La prise en charge de la colique infantile commence avant tout par l’éducation des parents. Étant donné qu’il existe très peu d’options pour la gestion des pleurs, la patience des parents est de mise. L’enseignement occupe une place importante dans l’optique où la prévention de l’épuisement des parents est l’objectif primaire de nos interventions. La colique infantile n’est pas une maladie, mais fait plutôt partie du développement normal des premiers mois de vie de plusieurs nourrissons.
Les traitements pharmacologiques disponibles sont très peu étudiés et sont souvent inefficaces. Malgré qu’il existe plusieurs produits prétendant soulager les symptômes de la colique infantile, ils ne sont pas recommandés en première ligne par la plupart des références médicales, faute de manque de données soutenant leur utilisation.
Il est donc essentiel de transmettre les outils nécessaires pour traverser cette phase difficile, entre autres, en enseignant les différentes techniques de détente du nouveau-né et les différentes méthodes d’alimentation pouvant atténuer les pleurs.
Le manque de preuves soutenant les stratégies disponibles crée une hétérogénéité importante dans les recommandations des professionnels de la santé face à ce problème. Certes, dans les faits, il n’y a aucune méthode ou traitement qui a démontré une efficacité claire, autant dans la littérature que dans la pratique clinique. Cependant, la plupart des options proposées comportent peu de risque et d’investissement de la part des parents. Dans les lignes qui suivent, il sera question de démêler les dernières données en lien avec la gestion des coliques infantiles.
Première ligne : Éducation et MNPs
Tel que mentionné ci-haut, la première étape est de mettre en place les procédures nécessaires afin d’éviter l’épuisement parental et prévenir les séquelles potentielles dans la relation entre le nourrisson et ses parents. Il sera donc question d’éduquer les parents sur les différentes méthodes permettant de mieux gérer les coliques du nourrisson.
Ces mesures peuvent être essayées pendant quelques semaines avant d’avoir recours à d’autres options. Cependant, dans les cas de coliques sévères ou de suspicion d’intolérance aux protéines bovines (vomissements, rash, diarrhée, etc.), il pourrait être justifié d’adopter empiriquement une diète hypoallergique ou de changer la formulation lactée pour une autre à base de protéines entièrement hydrolysées (voir « deuxième ligne »).
Éducation des parents
- La colique infantile est bégnine et temporaire. Ce n’est pas une « maladie ». Elle se résorbe spontanément au bout de 3-4 mois.
- La colique n’est pas la faute des parents. Ils ne font généralement rien de mal et les symptômes sont difficilement contrôlables.
- L’enfant ne cherche pas à rejeter ses parents. Les pleurs ne sont pas une manifestation de colère envers eux.
- Malgré les efforts des parents, il arrive souvent que les pleurs du nourrisson persistent. Ceci ne fait pas d’eux de mauvais parents.
- Encourager les parents à prendre des pauses des soins de l’enfant. Par exemple, demander à un proche de prendre soin de l’enfant dans les moments difficiles, ou encore se séparer les tâches entre les deux parents.
- Comprendre qu’il est normal d’être en colère, fâché, épuisé ou d’avoir un sentiment de culpabilité envers la situation.
Technique d’allaitement
Si la cause suspectée est liée à l’allaitement, il est recommandé de référer les parents vers un spécialiste dans le domaine. Les CSSS régionaux ont souvent les ressources nécessaires pour prendre en charge les mères qui éprouvent des difficultés dans l’allaitement (infirmières spécialisées, consultantes en lactation, etc.). Sinon, la Ligue La Leche (allaitement.ca) et l’Association Québécoise des Consultantes en Lactation Diplômées de l’IBCLC (ibclc.qc.ca) offrent des services de consultation en allaitement par région.
Techniques de détente du nourrisson
- Le fait de téter aide parfois les bébés à se calmer et à se détendre.
- Utiliser une sucette.
- Vérifier si le bébé pleure parce qu’il a besoin de quelque chose : s’il faut changer sa couche, le nourrir, s’il a trop chaud ou trop froid ou s’il fait de la fièvre.
- Faire une randonnée avec le bébé en auto ou dans une poussette.
- De nombreux bébés sont apaisés par le mouvement. Bercer le nourrisson dans les bras ou dans une berceuse. Parfois, simplement le tenir dans ses bras peut être suffisant. Certains bébés n’aiment toutefois pas être passés d’une personne à l’autre.
- Diminuer la quantité de stimuli : fermer la lumière, maintenir un milieu calme, changer de chambre si nécessaire, etc. Trop de stimulation déclenche ou empire souvent les pleurs.
- Placer le nourrisson dans un bain chaud.
- Envelopper ou emmailloter le bébé dans une couverture douce.
- Chuchoter des sons au bébé (« shhhh »). Faire écouter un enregistrement de battements cardiaques ou encore du bruit blanc. Il existe des générateurs de bruits blancs pour bébé sur le marché si nécessaire.
*Ne jamais brasser le bébé.
Deuxième ligne : Modification des préparations lactées ou du lait maternel.
Pour plusieurs nourrissons, les interventions nutritionnelles ne semblent pas avoir de bénéfices sur les symptômes de la colique. Cependant, chez une partie d’entre eux, la colique serait secondaire à une intolérance aux protéines bovines. Dans ces cas spécifiques, le recours à une diète hypoallergique (si allaitement maternel) ou l’utilisation des préparations lactées à base de protéines hydrolysées (si utilisation de préparations lactées) ont le potentiel de résorber la colique infantile.
Modification de l’alimentation de la mère (si allaitement maternel)
Plusieurs études ont évalué la modification de la diète maternelle pour la gestion des coliques infantiles. Certaines auraient démontré une amélioration des symptômes de colique chez les bébés, mais les données sont contradictoires. Si une intolérance alimentaire est suspectée, une diète hypoallergique peut donc être essayée chez les mères qui allaitent leur nourrisson (retirer de l’alimentation de la mère le lait, les œufs, le blé, les noix, le poisson, etc.). Une référence en nutrition est recommandée dans ce cas.
Passage à une formulation à base de protéines hydrolysées (si utilisation de préparations lactées)
Les études évaluant l’utilisation de formulations à base de protéines hydrolysées révèlent une diminution des symptômes de la colique infantile pour plusieurs nouveau-nés. Les données semblent montrer que le recours à ces préparations serait plus efficace que la modification de la diète de la mère chez les nourrissons allaités, mais aucune étude comparative n’a été effectuée. Alors que le changement de la formulation lactée aurait démontré des bénéfices chez certains bébés, d’autres n’en aurait retenus aucun avantage. Dans le cas où le changement de la préparation lactée est essayé, seules les formulations à base de protéines entièrement hydrolysées (ou d’acides aminées libres) ont été prouvées efficaces : Alimentum, Nutramigen, Pregestimil. Dans ce cas, un essai d’une à deux semaines peut être tenté. Les préparations à base de protéines partiellement hydrolysées ne sont pas hypoallergiques et ne sont pas une option pour les coliques infantiles.
De plus, selon la Société Canadienne de Pédiatrie, les préparations lactées à base de soya n’auraient aucune place dans la gestion des coliques infantiles. En effet, malgré que des études auraient démontré une réduction de la durée des pleurs des nourrissons comparativement aux formulations contenant des protéines bovines, les données restent insuffisantes. D'ailleurs, les protéines de soya sont des allergènes fréquents dans l’enfance. Ces formulations devraient donc essentiellement être réservées aux cas de galactosémies ou de contre-indications à la prise de produits laitiers pour des raisons culturelles ou religieuses.
Une étude a aussi évalué l’utilisation des formulations riches en fibres en colique infantile. Il n’y a pas eu de différence significative dans la diminution des symptômes entre ces formulations et les formulations à base de protéines bovines.
Quant aux préparations contenant des lactases, les données actuelles ne supportent pas leur utilisation dans le traitement des coliques, d’autant plus que les déficiences congénitales en lactases sont assez rares.
Troisième ligne : Produits ayant des données d’efficacité mitigées
Dans le cas où les options précédentes ont été essayées et que les pleurs persistent, les traitements suivants peuvent être essayés si les parents le désirent.
Probiotiques
Selon la Société Canadienne de Pédiatrie, il n’y aurait pas assez de données pour statuer l’utilisation ou non des probiotiques dans la colique infantile. Certes, malgré qu’il y ait de nombreuses études ayant évalué l’utilisation du L. reuteri chez cette population, plusieurs biais rendent la validité externe de ces données discutable. Pour cette raison, plusieurs références ne suggèrent pas l’utilisation des probiotiques autant dans la prévention que dans le traitement des coliques infantiles. Les probiotiques restent cependant une option plus étudiée que les autres traitements pharmacologiques disponibles, et semble prometteuse pour le moment.
- Posologie: Lactobacillus reuteri 100 millions UFC de bactéries/jour, 30 minutes après la tétée. (correspond à 5 gouttes de BioGaïa™ par jour)
- Effets indésirables : Bien tolérés, ballonnements, flatulences
- Contre-indications : Aucune
- Précautions : Immunosuppression
Siméthicone
La siméthicone est un médicament habituellement utilisé pour faciliter l’expulsion des gaz intestinaux. Il a aussi été étudié dans le traitement des coliques infantiles. Cependant, les résultats de ses études sont décevants. En effet, le traitement n’a pas été plus efficace que le placébo. Il reste tout de même que la siméthicone semble sécuritaire chez le nouveau-né. Elle peut donc être essayée pendant une semaine en dernière ligne de traitement.
- Posologie : 20 mg PO QID
- Effets secondaires : Peu ou pas d'effets indésirables
- Contre-indications : Aucune
- Précautions : Aucune
Quatrième ligne : autres traitement
Sucrose
L’utilisation du sucrose aurait démontré des bénéfices négligeables dans le soulagement de la douleur due aux coliques infantiles, en plus d’effets secondaires néfastes chez le nouveau-né (stimulation excessive). Lorsqu’un bénéfice a été observé, il était d’une durée de 30 à 60 minutes seulement, et même de moins de 3 minutes selon une étude. Pour toutes ces raisons, il ne devrait pas être recommandé pour le traitement des coliques infantiles.
PSN et produits homéopathiques
Plusieurs produits naturels (extraits de fenouil, nombreuses tisanes) et produits homéopathiques ont été utilisés pour le traitement des coliques infantiles. Cependant, aucun d’entre eux n’a assez de données d’efficacité et d’innocuité pour être recommandé pour cette indication. En effet, les quelques études évaluant leur efficacité comportent beaucoup trop de biais, rendant l’extrapolation des données difficile. De plus, les PSN et herbes sur le marché sont souvent contaminés par des pathogènes ou toxines pouvant être néfastes pour le nourrisson. Ils ont aussi été associés à de nombreux effets secondaires : vomissements, somnolence, constipation et perte d’appétit. Ceci est aussi vrai pour les produits homéopathiques, qui ont parfois la réputation d’être sécuritaires en pédiatrie. Par exemple, une analyse effectuée sur une préparation homéopathique utilisée pour les coliques infantiles qui a été associée à une augmentation de morts subites a révélé qu’elle contenait de l’éthanol, du propanol et du pentanol, ainsi que des ingrédients actifs toxiques. Ainsi, considérant le manque de données encadrant leur utilisation en coliques infantiles et les risques associés, les PSNs et les produits homéopathiques ne peuvent être présentement recommandés pour cette indication.
Dicyclomine
Il est suggéré que l’influence de l’activité cholinergique sur le péristaltisme intestinal aurait un rôle à jouer dans l’origine des coliques infantiles. Cette étiologie possible justifierait l’utilisation des agents anticholinergiques, tels que la dicyclomine ou le cimétropium, dans le soulagement des symptômes de coliques. Malgré que les données d’utilisation suggéraient une efficacité prometteuse, la dicyclomine a été associée à des effets secondaires importants, telles des détresses respiratoires et des convulsions. Étant donné que les bébés affectés par les coliques sont généralement âgés de moins de 6 mois, et que l’utilisation de la dicyclomine a été associée à des risques préoccupants chez cette population, son utilisation ne peut être recommandée pour le traitement des coliques infantiles.


L'utilisation de L. reuteri dans une étude a montré un taux de réponse significatif comparé au placebo dès 7 jours.
Les coliques sont particulièrement courantes chez les nourrissons âgés de 4 à 6 semaines et disparaissent graduellement pour s'estomper normalement à partir de l'âge de 3-4 mois.
Le suivi est à l'initiative des patients. Par contre, le pharmacien doit avoir fait part des signaux d’alarme aux parents. La ligne Parents peut être utile pour les parents en détresse : 1-800-361-5085.